Visite ? {Rukia / Byakuya / Ukitake}

C’était un matin comme les autres. Ou presque. Pour n’importe quel shinigami de sa promo, ce jour était certainement le plus beau jour de leur vie. C’était Le grand jour, avec un L majuscule. Le jour où tout leurs espoirs allaient être réalisés. Le jour pour lequel ils avaient passé près -voir plus- de six ans de leur vie, assis sur des chaises ou se battant avec des sabres en bois. Le jour qui allait signer le début d’une nouvelle vie. Le jour qui allait concrétiser leurs rêves. A cet instant, ils se croyaient invincibles, prêts à surmonter tout les obstacles ou à vaincre le Hueco Mondo à eux-tout seul. Pour n’importe quel shinigami de cette promo. Tous, sauf une. Amado Yoake, tel était son nom. Enfin, son nom à cette époque, à ce moment, dans ce monde. Elle ne se souvenait plus du nombre de fois où elle avait changé ‘identité, de passé, de caractère, de vie. De vie ? Non, pas tout à fait. Yoake n’avait jamais réellement changé de vie. N’importe laquelle de ces ‘vies’ -si on pouvait les nommer ainsi- étaient soumises au même refrain, au même moule : meurtres, sang, guerres, trahisons, violence, morts. La Mort. Elle la désirait ardemment. Pourtant, il semblait toujours y avoir un ‘après’… après le monde des humains, le Hueco Mondo. Après le hueco Mondo, la Soul Society. Et après ? Bonne question. Peut être la mort, la vraie, l’unique, l’absence totale de pensée, de réflexion. Peut être. Mais cette mort-là ne viendrait pas maintenant. Ni aujourd’hui d’ailleurs.

Pourtant, c’était une belle journée pour mourir. Le ciel était dégagé, pas l’ombre d’un nuage çà l’horizon, laissant au soleil le champ libre pour inonder de sa lumière blanche le Sereitei. Qui s’éveillait à peine à cette heure-là. Un mince filet d’air passa, faisant voleter les cheveux de la nouvelle shinigami, et faisant bruisser les feuilles des arbres. La jeune femme ferma les yeux. Le doux chant du zéphyr jouant et dansant dans et avec la nature environnante créait une mélodie paisible et relaxante. C’était agréable. Un mince sourire étira la commissure de ses lèvres, appréciant sa légère caresse sur son visage. Elle aimait cette sensation, à la fois froide et chaleureuse… L’ex-guerrière soupira, savourant ses derniers moments de calme. Le monde n’allait pas tarder à s’éveiller à ses pieds, et elle en même temps. Elle se connaissait par cœur, et savait parfaitement que bientôt, elle ne tiendrait plus en place. Déjà, ses muscles tremblaient et s’étiraient sous sa peau blanche et tatouée, comme s’éveillant d’un long sommeil. Oui, bientôt, elle se lèvera et partira rejoindre le commun des mortels. Bientôt. Mais, pas tout de suite. Pour le moment, elle était seule avec elle-même, et avait encore quelques minutes de calme. Elle s’éveillera au monde tout à l’heure… mais pas maintenant. Prenant une inspiration, Yoake huma pensivement l’air, respirant la douce odeur de la rosée du matin. Bientôt, rien ne serait plus comme avant.

Un léger coup d’œil à sa montre lui indiqua que dans quelques heures, elle devait se présenter devant son nouveau capitaine. Nouvelle vie hein ? Non. Nouveau officiers, nouvelles règles, nouvelles armes, nouveaux frères d’arme, nouveaux idéaux, nouveaux codes, nouvelles mœurs, nouveaux objectifs, nouvel ennemi, nouvelle guerre, nouveaux morts. Ce n’était pas une nouvelle vie. Simplement une nouvelle partie d’un jeu que l’on répétait inlassablement. Si les joueurs étaient différents, les règles, elles, restaient les mêmes. Une guerre, un chef, une armée, des armes, des ennemis. Du sang, des morts. De la violence, de la haine. Tristesse et désolation. Y avait-il seulement un vainqueur ? C’était selon ce schéma que Yoake avait vécu pendant plus de deux cents ans. Et ça ne la gênait pas. Après tout, elle n’avait jamais connu que cette vie, alors comment quelque chose qu’elle ne connaissait pas pouvait lui manquer ? Yoake savoura ses dernières minutes de calme. Bientôt, elle rencontrerait son nouveau supérieur. Jyoushiro Ukitake ou quelque chose comme ça… A ce qu’elle avait pu en entendre, c’était un homme bien, gentil, très humain, ouvert, compréhensif, doux, calme… bref, l’officier hypocrite premier et primaire de base. Le type qui envoyait ses hommes à la mort sans le moindre scrupule pour récupérer les honneurs. Du moins, du point de vue de Yoake. Seul point noir dans cette histoire : le brave homme semblait être atteint d’une maladie respiratoire qui le clouait au lit la plupart du temps. Ah ah, évidemment. Il fallait se douter qu’un personnage aussi illustre que le sien ne pouvait pas aller se battre. Allons, quelle drôle d’idée !

Un nouveau soupir las franchit les lèvres de la jeune femme, qui se leva pour s’étirer. En équilibre sur un mur isolé et en hauteur, la shinigamie avait une vue d’ensemble sur le Sereitei, qui s’éveillait lentement. Les équipes de nuit avaient déjà été remplacées par leur relève depuis quelques heures, et les gardes encore endormis à ce moment étaient à présent parfaitement réveillés. Yoake n’avait pas dormi cette nuit-là. Bien trop anxieuse pour s’endormir sagement, l’ex-Vasto lorde avait passé la nuit à marcher dans les rues désertes de la Soul Society, évitant adroitement les patrouilles. Puis, après un bref entraînement, elle était partie à la recherche d’un endroit à l’abri des regards, calme et dégagé pour admirer le levé du soleil. Détendant ses muscles, Yoake sauta à bas de son mur avec agilité. Elle avait encore le temps de prendre une douche et de se changer avant de devoir assumer ses toutes nouvelles responsabilités et fonctions. Sans la moindre bruit, la jeune femme rejoignit ses quartiers pour se préparer. Arrivée à l’intérieur, Yoake poussa un soupir. Les pièces sentaient encore le neuf, signe de leur récente habitation. Qules objets décoratifs posée ça-et-là, choisis avec goût mais curieusement très impersonnels. Il ne lui fallut guère plus d’un quart d’heure à Yoake pour se préparer… Ceignant son sabre dans son dos comment à son habitude -il était trop long pour être porté à la taille-, elle attrapa rapidement le premier fruit ui lui venait sous la main avant de partir en direction des bureaux de sa nouvelle division remplir quelques papiers nécessaires à son ‘inscription’.

Trois signatures, deux formulaires et quelques serments plus tard, Yoake se rendit dans le bureau de son capitaine. Elle avait repéré les lieux avant de venir pendant la nuit, mais elle dut rassembler tout son courage et sa volonté pour ne pas ralentir… Elle ne tenait pas à aller voir celui qui l’enverrait prochainement sa faire tuer. Se persuadant que ce n’était qu’une mauvaise passe à traverser, Yoake se dirigea vers l’endroit où son capitaine était. Arrivée à destinations, la nouvelle recrue hésita. Ce n’était pas une, mais trop présences qu’elle ressentait à l’intérieur des murs… Deux puissances, à peu près de la même valeur, et une moins forte… Deux capitaine et un shinigami donc. Entrera, entrera pas ? Oh, et puis après tout, elle devait respecter l’heure de sa convocation, elle n’était pas censée savoir qu’il n’était pas seul. Une inspiration plus tard, et ce fut trop coups net et clairs qui firent vibrer la grande porte de bambou. Attendant patiemment la permission d’entrer, la pensée fugitive de l’annonce de sa présence fut bien vite écartée. Elle avait trop fait de salut militaire pour l’oublier aussi facilement, par manque de pratique. Une fois autorisée à entrer (pardon pour le power gaming, si tu veux que je change, aucun problème) la jeune femme fit coulisser la porte et regarda dans la pièce.

Un rapide coup d’œil circulaire à l’intérieur de celle-ci suffit pour confirmer son idée : il y avait bien deux capitaines et -non un- mais une shinigamie. Elle reconnut instantanément Byakuya Kuchiki, chef de la noble famille du même nom, et objet de nombreux fantasmes de désirs de la part de la gente essentiellement féminine. Sauf dans les histoires des jeunes pucelles en manque, mais là, je m’égare et je m’en excuse. Ses keisenkaans et son écharpe étaient là pour témoigner de son rang et sa classe, mais Yoake lui trouva un air froid et hautain… en même temps, il avait de quoi l’être. La jeune shinigamie à leurs côtés devait être sa sœur si sa mémoire ne la trahissait pas… Son adoption avait fait couler beaucoup d’encre à l’époque. Enfin, ses yeux bleus se posèrent sur la troisième personne assise dans la pièce, son potentiel futur bourreau. Ses longs cheveux blancs encadraient joliment son visage avant de tomber gracieusement en cascade dans son dos, lui donnant un air doux et patient. Pendant un instant où le temps sembla s’arrêter, ses yeux croisèrent ceux noisettes de son capitaine. Son regard rigoureusement inexpressif plongea dans l’océan de son âme, quitte à s’y noyer. Elle y lut le calme, la gentillesse, la douceur, la sagesse, la sérénité. Les traits mûrs de son visage étaient adoucis par le léger sourire confiant et sincère qui ornait ses fines lèvres pâles. Ses vêtements amples cachaient sa carrure, mais l’aura qu’il dégageait trahissait sa force et sa puissance. Yoake sortit de son examen troublée, mais surtout intriguée.

Il y avait deux grandes possibilités. La première était que l’homme était effectivement pourri jusqu’à la moelle et qu’il cachait réellement bien ses sombres desseins, au point d’arriver à les masquer dans ses yeux. Si c’était le cas, Yoake en aurait presque eu des hauts de cœur tant cet homme aurait été hypocrite, menteur et surtout sans pitié. C’était la possibilité que la jeune femme aurait voulu croire, pourtant une autre idée germa dans son esprit. Et s’il était réellement différent des autres ? Existait-il seulement un capitaine capable de cet exploit ? Si c’était le cas, l’homme n’aurait peut être pas du atteindre ce grade, toute guerre exigeait des sacrifices, s’il s’attachait à ses hommes, il était possible qu’il ne sache pas prendre de recul face à certaines situations… Ce qui pouvait se montrer être d’autant plus dangereux. Cette possibilité, Yoake aurait voulu l’écarter du revers de la main, en regrettant presque d’y avoir seulement songé. Pourtant, elle n’y parvint pas tant la générosité et l’humanité se lisait sur les traits de cet homme. Pire que cela, il respirait la confiance et la force tranquille, à un tel point qu’elle en avait le souffle coupé… C’était vrai ça d’ailleurs, quand elle s’en rendit compte, elle remarqua également qu’elle était en apnée. Reprenant le contrôle de son corps traître, elle s’inclina comme l’exigeait le salut militaire avant de pénétrer dans la pièce. Il n’y avait même pas quelques secondes que la haute porte avait coulissées.